J’aimerais partager un avis TECHNIQUE sous l’angle et à la loupe des principes de la gestion de projet sur l’intervention du docteur Mohamed Bekkat Berkani qui est intervenu sur les ondes d’Alger Chaine 3 le 9 juillet dernier lors de l’émission « L’invité de la rédaction ».
Loin de moi l’idée de critiquer d’un point de vue scientifique ou politique ce qui a été fait par les pouvoirs publics, mais plutôt de constater, à travers le débat, les manquements soulevés par l’invité, et ayant un lien direct avec les principes et les fondamentaux de la gestion de projet
Avant toute chose, force est de reconnaitre qu’au vu des informations et des connaissances à la disposition de nos gestionnaires au début de la pandémie en mars, ceux-ci ont fait ce qu’ils ont pu et souvent de manière positive (fermeture des espaces brassant du public, adoption rapide du seul traitement à même de soulager les patients…)
J’ai écouté avec attention et ai relevé les points suivants, non exhaustifs, tous soulevés par l’invité :
- Un manquement au niveau de la communication
- Un manquement au niveau de l’identification et de la gestion des parties prenantes
- La problématique de la responsabilité et de sa dilution (phénomène de la patate chaude)
- …
Le point à mon sens le plus important étant celui de la responsabilité première de la gestion de ce dossier, est-ce le ministre de la Santé ? Est-ce le responsable de la cellule COVID ? y a-t-il un monsieur COVID en Algérie clairement identifiée et identifiable ?
Quelle est l’entité « propriétaire » du projet
A-t-on bien défini le projet ?
Est-ce un projet à portée « sanitaire » ou à portée de « survie nationale » ?
La question mérite d’être posée, car la réponse influe de manière importante sur le porteur et responsable du projet avec tout ce que cela implique au niveau décisionnel, notamment en faisant fi de considération émotionnelle, politique ou sanitaire au moment de la mise en application de décisions.
D’un point de vue projet, il est indéniable qu’un et un seul responsable, chargé de la coordination, du suivi, de la révision régulière et de la bonne application du plan décidé en haut lieu de manière consensuelle aurait dû être nommé, un super chef de projet dans les faits.
Pourquoi ?
Afin de justement éviter le phénomène de la patate chaude, car de l’avis de l’invité, on ne sait pas qui est responsable des manquements constatés entre les structures de santé la cellule COVID-19 les structures du ministère de la Santé, et cetera, et cetera (nb : quand bien même, je ne pense pas que le ministre puisse jouer ce rôle prenant, car il ne peut le tenir en raison de sa charge première de haut responsable politique)
Un deuxième point concerne les parties prenantes, en effet, l’invité constate qu’un nombre important de parties prenantes (le réseau des médecins privés, les psychologues, les syndicats, les psychiatres…) n’ont pas été invitées à discuter et à trouver des solutions applicables et consensuelles (j’y reviendrai)
En gestion de projet, ne pas tenir compte d’une partie prenante peut faire échouer le projet, car le gestionnaire de projet passe à côté d’informations pertinentes, de besoins réels qu’il ne pourra recenser, dont il ne tiendra pas compte dans la solution proposée et pour cause.
Évidemment et en raison de l’urgence en mars 2020, il était peut-être difficile de penser à tout le monde de prime abord, mais il eût été envisageable de les intégrer les mois suivants, en tout cas avant juillet 2020.
Concernant la communication, force est de constater qu’elle a été pour le moins défaillante, et connaissant son importance en mode projet, il eût été judicieux de faire appel à des professionnels pour cela (pour information, le gouvernement du Québec à débloquer une enveloppe de 45 millions de dollars ( sur 3 ans ) au profit d’une agence privée afin de mener à bien sa campagne de communication de et vers les citoyens)
Et par communication, le fond doit mériter plus d’importance et de travail que la forme (il ne suffit pas d’élaborer un plan de communication via le ministère de la Communication, mais surtout de penser de manière extrêmement professionnelle à ce qui doit être dit, à qui on va le dire, à quelle fréquence on va le dire, et comment mesurer si cela a été bien dit…)
Je vous parlais tout à l’heure des parties prenantes, un médecin privé de mes amis que je questionnais par rapport à la transmission des informations recueillies au niveau de son cabinet relatives à des cas recensés me confiait qu’il n’avait eu vent d’aucun process de récolte et de transmission, et qu’il ne savait quoi faire [mise à part les orienter vers les hôpitaux] des cas recensés à son niveau…
Une simple application installée sur son smartphone pourrait permettre de faire remonter l’information du cabinet le plus reculé du territoire national vers un espace de traitement de l’information central, et de faire redescendre toute information critique et pertinente vers le réseau de médecin [public et privé] à travers le territoire national.
L’invité parle de dysfonctionnement et notamment de déléguer au plus tôt et complètement les pouvoirs au niveau local, c’est-à-dire au niveau des 48 différentes wilayas du pays elles-mêmes subdivisées en 535 dairas et en 1541 communes, c’est en fait appliquer le principe de subsidiarité, lequel énonce que plus on est proche du « client », ici le citoyen, plus on le comprendra et mieux on le servira.
Nous comprenons aisément cependant et au vu du nombre d’intervenants [sans compter les gestionnaires au niveau des différents ministères], la nécessité d’avoir un système d’information fiable et efficient afin de transférer vite et bien les informations [et surtout de pouvoir les traiter] dans les 2 sens
Pour terminer, l’invité a parlé plusieurs fois de plan et de solutions consensuelles, et surtout applicables, en gestion de projet, la notion de SMART prend tout son sens et pourrait aider à évaluer, avant de chercher à les appliquer, les projets de décision afin de constater s’ils sont : spécifiques, mesurables, atteignables…
Une dernière chose l’invite à parler de manque de compliance et de déni des citoyens, là encore, il serait intéressant d’appliquer une bonne gestion des risques [il était prévisible.. ], et ce à travers la recherche des causes racines de la problématique [pourquoi ne pas appliquer la méthode des 5 P ?]
En conclusion, je tenais à travers cette contribution, à vous montrer à quel point les principes fondamentaux de gestion de projet peuvent aider à mieux performer et à être plus efficace, en recherchant encore et toujours l’amélioration et en n’ayant pas peur de se remettre en question au besoin.
Je profite de cet écrit pour saluer le travail phénoménal que font les pouvoirs publics en général, et le secteur de la santé en particulier afin de protéger notre beau pays et de l’aider à surmonter cette crise.
Soyons positifs, aujourd’hui les autorités sont très transparentes sur la situation, les spécialistes ont la parole et les erreurs sont corrigées [fermeture après ouverture prématurée des commerces…] et la solution est plus une question de discipline de nos concitoyens que d’autres choses car les moyens sont là !
Gloire à nos martyrs
Que dieu protège l’Algérie
Merci Mourad , pour l’exemple
Si tous utilisaient les préceptes de management de projet dans ce qu’ils entreprenaient ,on en serait que mieux,mais cela demande du serieux et du travail.
Salutations.
Merci à toi pour ton suivi et ton intérêt.
Merci Mourad pour cette illustration. En effet la gestion De projet pourra que mieux identifier les vrais problèmes pour pouvoir les gérer et solutionner.
Merci pour ton commentaire Amina.
Chercher la cause racine des problèmes permet de les régler définitivement en effet.
La bonne gestion de projet permet au gestionnaire d’adapter sa gestion en fonction des résultats terrain ( kpi, indicateurs,..)
Merci Mourad pour cette analyse pertinente et intéressante de l’intervention du Dr Bekkat que je n’ai malheureusement pas pu écouter.
Les points que tu as soulevés sont très sensibles et doivent être pris non seulement au sérieux mais aussi définis sous tous leurs angles.
Pour commencer l’identification du projet et la gestion des parties prenantes , il s’agit d’une première, l’Algérie n’a jamais été confrontée à une crise sanitaire de ce type (tout comme d’ailleurs les autres pays du globe ) la différence est que nos structures sanitaires ne sont pas organisées comme il se doit et doivent être revues en profondeur , le rôle de chaque entité , les intervenants , les process etc , une restructuration complète qui permettrait de faire face à des situations comme celle que nous vivons actuellement , mais surtout de bien faire et de gérer la santé du citoyen comme il se doit au quotidien , car nous le savons la ressource existe , les moyens aussi , il suffit que le tout soit coordonné , gère , contrôlé comme il faut .
Il s’agit bien d’une patate chaude puisque dans l’urgence nous nous soucions d’agir sur le tas sans mettre en place les mécanismes qu’il faut pour identifier , analyser , corriger puis agir .
Ce qui m’amène à la communication de et vers le citoyens ou les structures sanitaires vers les praticiens publics et privés , nous savons que l’information , sa gestion et sa transmission est un sujet tabou et que par conséquent on pense plus à sa forme qu’à son contenu et son adaptation et encore plus dans un contexte de communication pour une gestion de crise , faire appel à des professionnels en la matière est le choix le plus judicieux mais dans la mesure où les premiers éléments sus-citees ne sont pas clarifiés , ce n’est pas évident de maîtriser l’aspect communication .
Il est néanmoins juste de saluer les efforts des parties prenantes actuelles pour leur gestion à ce jour malgré les défaillances ,l’algérien a toujours été un vrai McGyver , reste peut être à trouver un moyen plus subtil plus adapté pour faire adhérer la population et m’impliquer dans ce combat contre ce vilain virus .
Au plaisir de lire d’autres analyses et échanges.
Merci pour ton commentaire et tes compléments pertinents Lamia
Merci pour ton commentaire Aicha !
Merci Mourad pour cette analyse que je trouve très pertinente.
A mon avis , la gestion de crise Covid en projet est le 3ème niveau de gestion des crises et alertes sanitaires. 2 étapes préliminaires importantes doivent exister .
1- La veille sanitaire opérationnelle – Permanente
2- Le Comité ou centre (ou autre appellation) avec une équipe pluridisciplinaire exclusivement dédiée à la gestion de crise avec impact sanitaire significatif – Permanent
3 – Activation du projet avec un responsable projet comme tu l’as mentionné «le Monsieur covid» une équipe pluridisciplinaire ( y inclus des experts en communication, … ) bien identifié le propriétaire du projet ( Le ministre de la santé?de l’intérieur ?) et enfin, et pas les moindres , toutes les parties prenantes ( en plus de ceux que tu as cité , les laboratoires d’analyse publiques ou privés ,les laboratoires Pharmaceutiques fabricants et importateurs , les fournisseurs des EPI et des produits de désinfections , ordre des Médecins , Ordre des Pharmaciens …) – Temporaire
A mon avis on s’est trop attardé au niveau 2 et on a juste «effleuré» le niveau 3 et nos dirigeants ont besoin de rappel sur les principes de gestion des projets
Merci Samira pour ton commentaire très instructif en matière de gestion de crises!